C’est la question qui vient et revient inexorablement lors des périgrinations du bagad Keriz en Bretagne et partout ailleurs : « D’où venez-vous ? de Clichy certes… mais de quel département breton ? ». Paris est qualifiée de « première ville bretonne » de France compte tenu du nombre de Bretons et de descendants d’« immigrés » de la diaspora bretonne qui y résident, et dont on dit qu’ils seraient près d’1 million (dont 300 000 nés en Bretagne). Sa périphérie n’y échappe bien sûr pas : aussi, si Clichy n’est pas en Bretagne, c’est la Bretagne qui est à Clichy et ce, au fil d’une histoire passée et actuelle.
Clichy, des origines à l’époque moderne
Clichy est une commune limitrophe de Paris, située entre Levallois-Perret, Saint-Ouen-sur-Seine, et entre la Seine et le 17e arrondissement de Paris. Clichy tire son origine d’une villa gallo-romaine nommée Clippiacum. Au Moyen Âge, le site était encore densément boisé et servait de réserve de gibiers de garenne, d’où le nom de la ville. Sous le règne de Dagobert, Clichy a même été la capitale du royaume franc, et les rois de cette époque ont marqué l’histoire de Clichy par leurs écrits. De 1612 à 1623, Vincent de Paul fut curé de l’église Saint-Médard, la plus ancienne église de la ville.
À partir de la Révolution, Clichy est devenue une ville industrielle avec des activités de blanchisserie, de verrerie, de cristallerie et de savonnerie. Clichy est alors la ville des blanchisseuses et des lavandières, dont la célèbre « Goulue » montera sur les planches du Moulin Rouge en 1889. Au XIXème siècle, la cristallerie Maës et la verrerie Appert, reconnues dans le monde entier, s’installent à Clichy. Plus tard, en 1950, Citroën est l’un des premiers grands groupes à s’y installer. Clichy compte ainsi, toujours aujourd’hui, plusieurs sièges d’entreprises importantes : L’Oréal, Amazon, Bic, Monoprix, Sony, etc.
Les travaux du baron Haussmann à Paris ont favorisé la réorganisation du territoire et l’instauration de grands axes de communication. Les courants de pensées hygiénistes et humanistes ont également impulsé la construction de logements sociaux et une gestion locale axée sur la solidarité et la prévention. Si la commune qui fait 3km carrés pour 64 849 habitants est marquée par l’urbanisation et un fort taux de population, il existe de beaux espaces verts comme le parc romantique Roger Salengro, en face du centre de loisirs Villeneuve où le bagad Keriz tient ses activités.
La Bretagne vient à Clichy-la-Garenne
Clichy a été desservie par plusieurs lignes de chemin de fer au début du XXème siècle. La gare de Clichy-la-Garenne, ouverte dès 1882, était un point important pour le transport de marchandises et de passagers. Cette gare a facilité le transport des produits industriels, notamment ceux des cristalleries et verreries, vers d’autres parties de la France et même à l’international, et elle a permis une meilleure connectivité avec Paris et les autres régions. C’est sans surprise, donc, que Clichy a connu la plus forte immigration bretonne d’Île-de-France.
Une importante communauté bretonne s’est alors créée à Clichy, grâce aux nombreux cheminots affectés au trafic de Paris-Saint-Lazare. De mémoire d’« anciens », cette immigration serait venue du Trégor et de plusieurs familles de la région de Gimgamp dans les Côtes d’Armor qui auraient été les premières à s’installer. Ainsi, jusqu’aux années 2000, deux associations visant à promouvoir et préserver la culture bretonne ont existé et comptaient quelques centaines de membres avec des groupes folkloriques et même un Cercle celtique sacré Champion de Bretagne en 1ère catégorie en 1982.
L’Amicale des Bretons de Clichy-la-Garenne, dont était issu ce Cercle, est représentative de l’essort au XXème siècle de la culture bretonne qui est provenu de la région parisienne. Ce « revival » breton est, en effet, dû à l’engagement des héritiers de la diaspora bretonne comme Dorig Le Voyer et Hervé Le Menn qui ont créé en 1932 à Paris le tout premier bagad (la « K.A.V » pour Kenvreuriezh ar Viniaouerien) bien avant que ne soit créée en Bretagne la Bodadeg ar Sonerion en 1943, ou Alan Stivell qui a incarné dans les années 60/70 la « Vague celtique » qui a redonné fierté aux Bretons.
Une vie associative et culturelle riche
Malgré son développement, Clichy-la-Garenne conserve son caractère de « village » et met un point d’honneur à préserver son équilibre, son identité et ses traditions. La ville investit dans des activités culturelles et sportives pour rester en concordance avec son époque, et elle bénéficie d’un tissu associatif extrêmement riche. Avec plus de 320 associations et 13 000 adhérents qui se retrouvent chaque année au Forum des associations au 55 rue Villeneuve, la ville profite d’une belle dynamique et à créé à cet effet une plateforme en ligne dédiée : Clichy Assos.
En 2024, la municipalité a souhaité reconnaître et valoriser l’association du bagad Keriz en remettant à plusieurs de ses membres la médaille de la jeunesse, des sports et de l’engagement associatif et autres décorations de la ville de Clichy-la-Garenne. Parmi eux : Alain Nanquette, président historique de l’association pendant plus de 20 ans, Gilles Marcon, membre et dirigeant du bagad depuis sa création en 1980, et Yann-Gaël Jaffré, actuel président de l’association depuis 2020. Est ainsi récompensé 45 ans de musique à Clichy, et une reprise post-Covid qui a sauvé le bagad de l’extinction.
Keriz contribue, avec volonté, aux ambitions sociales et culturelle de la commune de Clichy : créer du lien social et offrir un accès gratuit et ouvert à la culture, à la musique et à la danse, en intervenant jusque dans les écoles et en soutenant leurs projets pédagogiques en partenariat depuis 2023 avec le Conservatoire Léo Delibes. L’association bénéficie ainsi, depuis sa création en 1980, du fort soutien de la municipalité et plus récemment de la Région Bretagne ; celle-ci, en effet, a soutenu financièrement l’association en 2022 au titre de la préservation du patrimoine immatériel breton hors Bretagne.
Le bagad Keriz est aujourd’hui, après 45 ans d’existence, une véritable institution clichoise et un amabassadeur de la culture bretonne en Île-de-France et en dehors de ses frontières. Ce bagad comme nul autre, qui s’est forgé tout un palmarès en Bretagne dans le cadre du Championnat national des bagadoù tout en ayant prospéré loin de ses terres, démontre que la culture bretonne est bien vivante et contribue au vivre-ensemble sur la commune de Clichy et en Île-de-France.